La technique du cut-up : Origines et impact sur l’art et la littérature

4 juillet 2023

  1. Comment Voir
  2. /
  3. Culture
  4. /
  5. La technique du cut-up : Origines et impact sur l’art et la littérature

La technique du cut-up, une approche novatrice de la création littéraire et artistique, est loin d’être conventionnelle. Elle brise les frontières de la linéarité et du sens traditionnels pour offrir des œuvres éclatées, fragmentaires et pourtant empreintes d’une nouvelle forme de réalité. L’un des plus fervents adeptes de cette technique était l’auteur de la contre-culture américaine, William S. Burroughs. Avant d’aborder son application et son impact sur l’art et la littérature, penchons-nous sur ses origines.

Origines de la technique du cut-up

La technique du cut-up, ou méthode du découpage, trouve ses racines dans le mouvement Dada du début du XXe siècle, mouvement artistique européen qui prônait l’absurdité, la spontanéité et la subversion des conventions artistiques traditionnelles. Cependant, c’est dans les années 1950 que cette technique a été réellement popularisée par l’artiste et écrivain Brion Gysin, avant d’être adoptée et développée par William Burroughs.

Le concept de la méthode du cut-up est relativement simple, bien que son application puisse être complexe. Il s’agit de prendre un texte existant, de le découper en fragments, puis de réarranger ces fragments pour créer un nouveau texte. Le résultat est une œuvre qui défie la linéarité et la logique traditionnelles, créant un paysage littéraire qui reflète l’inconscient, les rêves ou même la réalité fragmentée de notre époque.

Sur Brion Gysin et le cut-up

Brion Gysin est un écrivain, peintre et performeur d’origine britannique, né le 19 janvier 1916 et décédé le 13 juillet 1986. Il a été une figure de proue de la scène avant-gardiste et de la contre-culture du 20e siècle, et est souvent associé au mouvement Beat, bien qu’il ait lui-même déclaré qu’il n’en faisait pas partie. Gysin est surtout connu pour avoir été l’inventeur de la technique d’écriture du « cut-up », qu’il a introduite à son ami et collaborateur William Burroughs. Il a fait cette découverte en 1959 alors qu’il préparait des montages pour un de ses livres. En coupant et en réarrangeant des bouts de textes, il a créé des poèmes étranges et déconcertants qui remettaient en question les structures narratives conventionnelles. Burroughs a adopté cette technique et l’a utilisée dans de nombreuses œuvres, comme « Naked Lunch » et « Nova Express ».

En plus de sa contribution à la littérature, Gysin était un artiste visuel prolifique. Il a créé des œuvres d’art qui fusionnaient la peinture et la calligraphie, l’Est et l’Ouest, le traditionnel et l’avant-gardiste. Il a également exploré d’autres formes d’art, comme la performance et l’installation. Son travail « Dreamachine », co-créé avec Ian Sommerville, est une sculpture cinétique conçue pour être vue les yeux fermés, en induisant un état de rêve éveillé à travers des motifs lumineux stroboscopiques. Gysin a également eu une influence sur la musique comme nous le voyons plus loin. Son exploration des boucles sonores et des répétitions a inspiré des musiciens comme Brian Jones des Rolling Stones, David Bowie et Throbbing Gristle.

Brion Gysin

l’écrivain Brion Gysin reste plutôt méconnu de nos jours, ce qui n’est pas le cas de William Burroughs évidemment

L’adoption de la technique du cut-up par William Burroughs

La technique du cut-up a captivé l’attention de William Burroughs en raison de son potentiel à décomposer et réassembler non seulement la langue, mais aussi la perception de la réalité elle-même. Il a exploré ce concept avec passion et inventivité dans des œuvres majeures telles que « The Soft Machine » (1961) et « Nova Express » (1964).

Burroughs percevait le cut-up comme une clé ouvrant les portes de strates de significations et de dimensions de la réalité généralement dissimulées par les cadres narratifs traditionnels. Les structures narratives ordinaires, avec leur linéarité et leur logique familières, peuvent souvent enfermer la signification et canaliser notre compréhension du monde de manière prévisible. En revanche, la technique du cut-up bouscule ces conventions, dévoilant un spectre plus vaste de possibilités interprétatives.

Dans sa démarche artistique, Burroughs a pris des textes et les a démantelés, les brisant en une myriade de morceaux. Il a ensuite reformé ces fragments pour forger de nouvelles œuvres, tout comme un mosaïste utiliserait des éclats de verre pour créer une nouvelle image. En faisant cela, il n’a pas simplement réorganisé les mots et les phrases ; il a transformé leur essence même, libérant de nouvelles significations et des perspectives uniques.

Impact sur l’art et la littérature

L’approche de Burroughs a exercé une influence considérable non seulement sur la littérature, mais aussi sur d’autres formes d’art. Son utilisation audacieuse et novatrice du cut-up a ouvert la voie à une nouvelle forme d’expression artistique qui a défié les conventions et a inspiré de nombreux autres artistes :

  • En littérature, la technique du cut-up a influencé une gamme diverse d’écrivains, de Thomas Pynchon à J.G. Ballard. Ces auteurs ont adopté la fragmentation et le collage textuel comme moyens d’explorer des thèmes tels que la dystopie, l’aliénation et la subjectivité.
  • Dans le monde de l’art visuel, cette technique a été utilisée par des artistes comme Robert Rauschenberg et David Bowie. Rauschenberg a utilisé le cut-up dans ses « combines », des œuvres qui fusionnent la peinture et la sculpture. Bowie, quant à lui, a utilisé cette technique pour écrire certaines de ses chansons, en découpant et en réarrangeant les paroles pour créer des textes lyriques inédits.
  • Dans le cinéma indépendant, le cut-up a influencé des réalisateurs comme David Cronenberg, qui a adopté une forme de fragmentation narrative dans ses films, souvent déroutants et surréalistes, comme dans son adaptation de « Naked Lunch » de Burroughs.

La technique du cut-up continue d’avoir un impact significatif sur l’art et la littérature contemporains, démontrant la puissance de la déconstruction et de la réinvention. En défiant les conventions narratives et artistiques, le cut-up offre une voie pour explorer des réalités alternatives, révélant ainsi la complexité, l’étrangeté et la beauté du monde qui nous entoure.

R.C.